Eugen ne pensait pas vraiment à se venger. Il continuait de rêver à Alina I. et au Canada. Il n’était pas rancunier. Mais, parfois, après quelques bières et quelques paquets de cigarettes taxées, il se permettait de timides reproches à sa dure maîtresse qui l’avait si abruptement quitté pendant qu’il essayait désespérément de la rejoindre à Toronto. Un soir, nous étions en train de chanter notre petit répertoire de chansons à la guitare. De André, De Gregori, Guccini – des chanteurs qui ont accompagné plusieurs générations de l’adolescence à l’âge adulte, si toutefois on peut parler d’âge adulte – et Bob Dylan – quand même pas que des italiens. L’anglais un peu faible des doctorants en philosophie ne permettait pas de mémoriser trop de paroles : deux ou trois chansons dont faisait partie, immanquablement, « If you see her, say hello ». L’anglais, Eugen le connaissait très bien et il se permettait quelques variations : « If you see her, tell her she’s a bitch, she fucked up my life ! ».