Je suis en équilibre entre trois langues et je n’en maîtrise aucune. Le monde est flou, les concepts m’échappent. Je perds prise sur la réalité pendant que je pense et mélange des lettres sans que l’idée ne se dévoile. J’ai perdu les nuances colorées de ma langue ensoleillée que je prétendais – à tort peut-être – connaître profondément. En français je bégaye, en anglais les objets sont toujours enveloppés dans un drôle de brouillard. Je ne suis pas maître de ce que je pense, H. parle à ma place en français et je ne sais qui prend le relais quand les phrases sont italiennes. J’envie Andrea qui parle en images et qui ne s’est jamais préoccupé d’exprimer autrement son monde. Un monde qui voyage tout en gardant ses formes. J’envie F.F. qui parle toujours avec les mêmes sons et qui me disait un jour : « Pauvre de toi ! C’est comme si, à chaque fois que je prenais un avion, quelqu’un changeait l’ordre des touches de l’orgue. ». La langue est mon instrument et je ne sais, hélas, pas en jouer.