Les dégâts que nous causons sont des traces certaines de notre passage, une sorte de signature, un moyen sûr pour faire voir que nous avons bien été là, que nous avons eu un rôle quelconque, que nous avons existé. Plus que la construction, le dégât est un signe de présence indiscutable. Qui a fait tomber ce vase ? C’est moi ! Qui a donc abimé ce beau canapé ? C’est moi ! Qui a marqué le mur, ébréché l’assiette, sali l’écharpe en cachemire – elle était si belle… et si chère ! – et qui encore a troué la nappe, tâché le fauteuil, arraché cette page, griffonné sur ce cahier neuf, rayé la voiture, renversé l’huile sur le sol, brûlé la chemise avec sa cigarette, empesté la chambre à coucher avec son cigare, mis de l’eau dans le vin, cramé la tarte, cassé le poste de radio, perdu la bague, brisé la chaise, renversé son café sur l’ordinateur, éclaboussé de bière la jeune dame, tué la plante, fait exploser la cafetière, mais qui donc a fait tout cela ? C’est moi, c’est moi, c’est toujours moi !