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Mensonges

Les calèches qui traversent la ville sont des mensonges. Les touristes aiment qu’on leur mente. Au milieu de la circulation du Lungarno, à Pise comme à Florence, mais aussi à Montréal, les chevaux nient l’évidence. Je les ai toujours détestées, ces calèches mensongères. Mais, finalement, je fais pareil moi-aussi. Je mens, je nie l’évidence : le fait que ce passé m’a glissé des mains, qu’il n’est plus là, que je ne peux rien faire pour le récupérer, que je ne peux que le réinventer, qu’il n’existe que parce que je le raconte. Je ne peux pas faire vivre à nouveau ce que nous avons vécu, comme me le demandait Francesco. Je ne peux que trahir, mentir, inventer, affabuler. Et pourtant, je me rappelle très bien d’un matin de mai, à sept heures, devant la porte encore fermée du département de philosophie, essayant d’arriver très tôt pour m’inscrire en premier sur une liste d’examen, d’avoir rencontré un type grand et maigre qui me demanda en souriant : « T’es là pour l’examen de la Paschi ? »

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