Je me répète : l’important n’est pas de retrouver le temps perdu, mais d’en perdre à nouveau – c’est une espèce de prière, de formule magique que mes lèvres murmurent doucement, égrainent comme un chapelet, sans plus penser à sa signification. Pour perdre du temps, il faut être organisé, le temps ne se perd pas comme ça, distraitement, sans y penser. Il faut de la rigueur, de la volonté, de l’ordre. Pour perdre du temps, je vais tout d’abord aller au cinéma avec H. sur le canal. Ensuite, je vais discuter de mon idée de créer une chaine de fastfood de poisson frit. L’idée est brillante : poisson frit et olives frites cuisinés à bord d’un bateau. Très facile d’imaginer le développement de la chaine – peut être faudra-t-il franchiser. Par exemple, sur le canal Saint Martin à Paris, sur le canal Lachine à Montréal, sur l’Arno à Pise et à Florence, sur l’Hudson à New York. Toutes les villes ont de l’eau quelque part. Frittura di paranza servie dans l’épais papier jaune dégoulinant d’huile.