C’est sans doute l’espoir qui structure nos vies, l’espoir plus que ce que nous vivons à cet instant. Ce que nous désirons est plus réel que la réalité car c’est cela qui donne un sens, qui oriente nos actions, qui motive nos choix. L’espoir, et le passé tel que nous le racontons : ce passé qui engendre et agence nos espoirs. Eugen racontait son passé en le structurant autour de sa promesse de rejoindre le Canada. Et quand il racontait cette rencontre avec le père d’Alina I., il utilisait la première personne, et il avait absolument raison. Cette rencontre était le fait le plus concret de son existence, ce qui le poussait à se lever chaque matin, à aller travailler sur un chantier pour gagner quelques euros, ce qui le poussait à envoyer des fleurs à Toronto à une fille qui ne voulait plus lui répondre au téléphone. Quelqu’un objectait : « mais finalement ce n’était pas toi… tu n’as jamais été à Toronto, n’est-ce pas ? ». Mais ce quelqu’un n’avait rien compris au sens du pronom « je ».