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Exaiphnes

J’ai toujours aimé me lever très tôt. À cinq heures, il fait encore nuit. Tout est silencieux. Rien n’est encore arrivé, tout attend. À cinq heures du matin, on est comme l’écrivain face à la feuille blanche avant de commencer à écrire, avant d’avoir brûlé l’ensemble des possibilités ouvertes pour n’en réaliser qu’une seule. Au fur et à mesure que le temps passe, au fur et à mesure que l’écrivain trace des lettres, les possibilités se réduisent, il y en a de moins en moins. Et peut-être que l’œuvre d’art la plus parfaite est celle qui est sur le point d’être faite mais n’a pas encore été commencée. C’est ce moment de puissance profonde qui caractérise l’instant du commencement qu’il faudrait rendre dans l’œuvre. L’effort de rendre compte de cet instant est probablement l’objectif ultime de toute forme d’art. Ce passage mystérieux et miraculeux de l’immobilité au mouvement, cet exaiphnes dont parlait Platon dans le Parménide, voilà ce que nous cherchons toujours à attraper, sans succès.

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