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Meminisse iuvabit

Écrire, est-ce accepter paisiblement l’état des choses ? Ou est-ce une réponse à l’exigence de changer le monde ? Parfois, je me laisse bercer par l’injustice que je raconte, comme si la situation de l’écrivain était celle d’un buveur de grappa qui regarde ce qui se passe autour de lui dans un bar, sans aucune envie d’intervenir. Ce qui a été a été, je n’y peux plus rien, et forsan haec olim meminisse iuvabit. L’écriture serait ce moment magique où il est finalement possible de regarder la souffrance avec douceur. La douce mélancolie de la mémoire. Certes, il est bien facile de s’abandonner à cette molle attitude, mais je ne crois pas que cela soit la véritable signification de l’écriture. Si l’on écrit, c’est pour agir, pour faire, pour produire le sens, pour le produire autrement. Je ne veux pas écrire pour raconter, mais pour que l’injustice – qui se glisse subrepticement dans notre vie – se montre de manière si évidente et si inacceptable qu’elle ne puisse plus jamais être tolérée.

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