D’un certain point de vue, on pouvait considérer Eugen comme un voleur. Il prenait dans les supermarchés ce dont il avait besoin pour manger et il ne payait pas. L’autre bien dont il avait un besoin urgent et continu, c’était un vélo. Il en consommait un grand nombre. Souvent, il travaillait loin, à une vingtaine de kilomètres de Pise, et il n’existait pas de moyens de transports publics. Il se levait à l’aube et il pédalait – avec une vigueur probablement excessive car sans doute mélangée à une bonne dose de rage – pour arriver sur le chantier à 7h00. Un vélo durait quelques jours – une semaine au plus – et il tombait tout de suite en morceaux – je me rappelle des guidons tordus, des pédales arrachées, des câbles des freins coupés… Impossible pour Eugen de payer les réparations. Et cela lui était impossible uniquement parce que son patron ne le payait pas – ou alors rarement. Il fallait donc se procurer un autre moyen de transport, en le prenant à quelqu’un. Mais qui était le voleur ?