Un des plaisirs les plus intenses : au portant, avec un peu de vague, la GV grand ouverte, le spi tangonné pas trop brassé, la barre dans une main, l’écoute du spi dans l’autre. Quinze, vingt nœuds de vent. Mieux si c’est pendant la nuit. Donnez-moi aussi un ciel étoilé, un peu de Lune. À bâbord Ithaque, à tribord Céphalonie. Les montagneuses îles Ioniennes produisent un effet Venturi qui fait que, dans ce couloir, il y a toujours du vent. On descend. On voit disparaître les lumières de Port Fiskardo. C’est dans cette mer que naquit, vierge, Aphrodite. Foscolo, lui, est né un peu plus au sud, à Zakhyntos. J’y arriverai demain matin. L’équipage dort. Je suis seul sur le pont. Je mets un pull-over – en coton – car il commence à faire froid. Le bateau gîte, je me sens poussé par le passage de la vague et je tire sur la barre pour descendre. Le bruit de l’eau est celui qu’écoutait Ulysse. C’est là que la littérature est née. Celui-ci est l’univers du livre. Pourtant j’y suis, pour de vrai.