Ce que j’aime de la voile, c’est que la navigation n’est pas un moyen, mais une fin. On ne navigue pas pour aller quelque part, on navigue pour naviguer. Les vrais voileux le savent et refusent pour cette raison tout esprit de compétition. Une course en bateau est une contradiction. Et, en effet, j’ai fait quelques courses, mais je suis toujours arrivé dernier, le plaisir d’être en mer étant beaucoup plus fort que l’envie de gagner. Moitessier, en tête du tour du monde et à quelques milles de l’arrivée, fit demi-tour et abandonna la course. On ne va nulle part, il n’y a pas une seule direction, il n’y a pas l’envie d’atteindre quelque chose, de produire du sens. Et si le bateau n’avance plus, ce n’est pas grave du tout, au contraire : on peut se permettre de prendre son temps. Malheureusement il n’y a pas beaucoup de voileux, et les gens à bord des bateaux à voile, pendant l’été, démarrent le moteur dès que le vent faiblit ou qu’il ne les pousse pas dans la direction qu’ils souhaitent.