La vie d’Eugen est la représentation d’une vie, son récit, sa narration. Ce n’est qu’ainsi que je peux la comprendre et accepter ce qui est arrivé. Elle a été faite pour être racontée. La nuit précédent le départ d’Alina I. pour Toronto, Eugen avait trouvé le moyen de dormir avec elle, pour la première et la dernière fois. Tôt le matin, les parents d’Alina I. étaient allés la réveiller et avaient trouvé la porte fermée à clé. Au bruit de la poignée, Eugen était sorti du lit et avait enfilé son pantalon. Alina I. était encore ensommeillée quand elle l’avait vu enjamber la fenêtre de la chambre. Levant un peu la tête, elle lui avait souri et lui avait demandé : « Quand est-ce qu’on va se revoir ? ». Eugen n’y avait pas réfléchi avant. Il savait qu’Alina I. ne reviendrait pas souvent en Roumanie et, surtout, pas avant deux ou trois ans. Il ne prit qu’une seconde pour chercher la réponse et, avec sa voix rauque – il parlait toujours comme s’il venait de fumer - « Très bientôt, au Canada ».