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Crue

À Paris, on attend une crue depuis plusieurs décennies. Cette attente est une peur autant qu’un espoir : une grande crue aurait peut-être la force d’effacer quelque chose dans l’étouffante étendue de la mémoire parisienne. La mémoire est l’architecture de cette ville, c’est le matériau de ses rues et de ses immeubles, la consistance de ses briques et la couleur de ses pierres. Paris est une ville totalement imaginaire, faite de souvenirs littéraires et cinématographiques. Paris n’est pas Paris. Paris représente Paris. Paris n’est pas une ville, c’est une métaville. Le plan panoramique des 400 coups est la place de Notre Dame, les pages d’Hugo ses pierres, les mots de Brassens la distance entre les maisons. Sans cela, il n’y aurait que du vide. La première fois que je suis allé à Paris, j’arrivais de Rouen. Je vis pour la première fois de ma vie la Tour Eiffel dans le reflet de la vitre du train à quelques centaines de mètres de Saint Lazare. La Tour faisait la Tour. Paris jouait Paris.

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