On doit casser quelques œufs pour faire une omelette. On doit casser pas mal de choses pour raconter une histoire. Parce qu’il y a des choses que l’on ne peut pas vraiment raconter, il y en a d’autres qui sont trop banales, certaines qui sont trop vraies, certaines dont on aimerait trop qu’elles soient vraies pour oser les raconter. Puis il y a aussi le fait que pour raconter, il faut avoir des témoins. Quelqu’un qui puisse se rappeler de la même chose, parce qu’il l’a vécue, parce qu’il aurait pu la vivre ou alors parce qu’il l’a tellement entendue qu’il a fini par croire l’avoir vécue. Le passé est l’œuvre littéraire la plus intéressante que nous connaissions. Nous sommes tous unis par l’effort commun de raconter notre passé – et par celui, beaucoup plus important, de croire à notre propre récit. Et quand les témoins refusent leur tâche, ce passé disparaît, il faut le réinventer, il faut le réécrire. Et cette écriture devient d’autant plus urgente qu’il y va de notre propre identité.