Eugen a passé deux ans à regarder la mer de Livourne. Il la regardait avec tendresse depuis des locaux commerciaux vides et délabrés qui donnaient sur les docks. L’air ravi, il étudiait le départ des bateaux, les opérations pour charger et décharger les cargos, les contrôles des containers, les passages de la police et des douanes. Plusieurs fois, je lui ai demandé comment il faisait pour vivre pendant ce temps-là. Sa réponse : « Je vendais du Jack Daniel’s aux bars ». Quand je lui demandais plus d’explications, il racontait qu’il volait du Jack Daniel’s dans les supermarchés près du port de Livourne et qu’il le revendait aux gérants des bars. À ma curiosité : « Et les bars l’achetaient ? », il répliquait : « Bah évidemment, je le vendais à moitié prix ! ». Il s’était donc trouvé un travail et un rôle précis : responsable de la promotion du Jack Daniel’s dans les bars des docks de Livourne. Par rapport à la situation du travail en Italie, il faut dire qu’il s’en sortait plutôt pas mal.