Pendant qu’il feuilletait mes livres si bien classés, Eugen se plaignit un jour, auprès de moi, du comportement de sa mère. Il lui avait écrit pour lui demander ses papiers. Il était en Italie depuis des années, sans même une carte d’identité. Rien qu’une photocopie, cela l’aurait peut-être aidé. « Je lui ai demandé mes papiers et mes CD de Paraziții ». Paraziții est un groupe de rap roumain qu’Eugen appréciait beaucoup. Youtube n’existait pas encore, ni Itunes, et il était difficile d’écouter Paraziții à Pise. La mère d’Eugen ne l’avait pas vu depuis trois ans. Elle n’avait même pas eu de ses nouvelles. Il ne lui avait envoyé que cette lettre qui demandait une photocopie de sa carte d’identité et les CD de Paraziții. L’avait-elle reçue ? En tout cas, elle n’avait pas répondu. Eugen resterait toujours sans papiers, sans même une photocopie de ces papiers. Ce n’était pas ce qui l’affligeait le plus. Il serrait les lèvres. « Cette conne ! Elle aurait pu m’envoyer les CD de Paraziții ! ».