Le besoin de scientificité me touche très rarement – ou, pour être plus précis, jamais. Même les questions les plus importantes, je ne les traite pas de façon scientifique. Par exemple : la cuisine. Il y en a qui ont besoin de balances, doseurs, verres mesureurs, recettes exactes. Pour moi, aucun intérêt – je ne vois pas l’intérêt de refaire deux fois la même chose. Ce qui se substitue à la science, c’est la discussion, le discours, la parole. L. passait chez moi à Paris pour m’haranguer sur le ragù ou le bouillon en me réprimandant solennellement pour le clou de girofle de trop qui avait ruiné sans appel tout mon travail (« c’est à jeter je te dis, il ne te reste qu’à accepter cette défaite »). Peppe, avec qui j’ai partagé pendant des années des cuisines et des poêles, développe depuis des années des théories subversives sur l’emploi des baies roses. Nous passons tous les jours des heures d’appels intercontinentaux pour débattre de la nécessité du vinaigre dans les pâtes aux calamars.