Accueil Les règles du jeu Table des matières Incipit Qui ?

Langues étrangères

L’espace d’une langue étrangère est étroit, souvent étouffant. Comme si l’on était débout sous un toit trop bas qui exerce une pression sur nous, nous écrase. Sans voix, comme dans un cauchemar, sauf que cette absence de voix correspond à une impossibilité de penser. Il y a comme un voile qui nous sépare de la réalité. Le ciel est plus bas et il y a du brouillard partout. On voit mal, on respire mal, on ne pense pas. Quelqu’un nous parle, s’adresse à nous, nous veut quelque chose. C’est une agression, une violence, un viol. C’est la réalité qui bégaye. Voilà le sentiment que j’ai éprouvé pendant plusieurs mois lors de mon arrivée en France. C’est une lutte quotidienne pour avoir prise sur le monde, déchirer le voile, percer le ciel oppressant pour le faire respirer. Une lutte qui a eu lieu – pour moi – sur un terrain qui était pourtant amical, rassurant. Quand Eugen arriva en Italie, il fut immédiatement arrêté et emmené au commissariat. En le frappant, on lui criait dessus en italien.

texte précédent : H. texte suivant : Fenêtres ouvertes