Tout ce que je raconte, tout ce que je fais passer pour mon passé, je ne l’ai jamais vécu. Je l’ai peut-être vu dans quelques films – mais va savoir lequel – ou alors, plus probablement, je l’ai simplement désiré. Je raconte ce que j’aurais voulu vivre ou ce que j’ai vécu tel qu’aujourd’hui je désire que ce soit. Pourtant, je me rappelle très bien d’un jeune homme blond, imberbe et musclé qui arriva un jour dans l’appartement de la via Sangallo, après avoir garé son camion Volkswagen orange de l’autre côté de la rue. L. commença à appeler ce nouveau colocataire « le surfeur » car on aurait dit qu’il sortait d’une série américaine du genre Baywatch. Ce petit nom s’avéra prophétique car, un jour, le jeune homme débarqua à l’appartement avec une planche de surf sous le bras. Puis il commença à afficher dans sa chambre des feuilles pleines de formules mathématiques et de théorèmes de logique. J’ai toujours pensé que le surfeur devait être quelqu’un de très brillant. Eugen le pensait aussi.