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L’algorithme de la légèreté

Je regarde Annie Hall ou Manhattan quand j’ai besoin de légèreté, quand j’ai besoin de penser que, finalement, ce n’est pas grave. Je suis toujours fasciné par ceux qui arrivent à montrer la petitesse – et la légèreté – de nos préoccupations les plus lourdes. Woody Allen est surtout génial, à mes yeux, parce qu’il semble ne pas croire à ses propres films : sa légèreté est diégétique et métadiégétique. Depuis que j’habite dans un pays où il neige souvent, Woody Allen peut être par moment remplacé par la vue de ma fenêtre. Ces flocons ne tombent pas, ont des parcours surprenants, remontent, restent suspendus, nous font oublier la gravité. Cette légèreté provoque ensuite l’atténuation de tout bruit – le son de la vie devient feutré, les effets de nos actions ouatés. Le problème de la légèreté est qu’elle est trop complexe pour que nous puissions l’assumer comme principe. La gravité est plus facile à expliquer. Il nous faudrait un algorithme qui décrive la trajectoire des flocons de neige.

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