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Nostalgie du futur

Ici à côté – à 51km dit Google Maps – il y a une haie qui en 1819 dérobait au regard de Leopardi le plus lointain horizon. L’horizon devait être plus ou moins le même, toujours la même mer. Ici, jeune, je pouvais le voir cet horizon et maintenant j’en suis privé. Mais puisque je ne suis pas capable de reconstruire ce qui s’est passé, je suis obligé de douter : peut-être qu’il n’y a pas de passé, peut-être que tous ces souvenirs désordonnés ne sont que le fruit de mon imagination. C’est maintenant que je suis en train de les inventer. Et l’important n’est pas de retrouver le temps perdu mais d’en perdre à nouveau. Ici, devant cet arbre qui me fait penser à Leopardi, je réalise un rêve d’un passé que je suis en train de créer : je rêvais, dans ce passé qui n’a jamais existé mais qui devient si cohérent dans mon souvenir dès que je l’écris, d’être ici en train d’écrire. Il n’est vraiment pas possible d’avoir la nostalgie du passé, car la seule nostalgie possible est la nostalgie du futur.

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