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Claquettes

Avant, c’était le silence. Après, ce sera encore le silence. Il n’y a que cette voix, faible, incertaine, anxieuse, éphémère. Cette voix fébrile qui est la mienne maintenant. En réalité, ce n’est même pas ça. Aucune voix ne se fait entendre à ce moment précis, aucune voix n’arrive à articuler suffisamment pour être entendue. A ce moment précis, je n’entends, à vrai dire, rien. Le seul bruit qui me parvient est celui des voitures qui passent, régulières, sur le boulevard St Joseph. De temps en temps, le vent se manifeste et siffle sur les vitres de mon bureau. Aucune voix. Si, en y prêtant un peu plus d’attention, il y a un bruit qui se détache : celui des touches du clavier qui cliquent, élégantes, comme les pas d’un danseur de claquettes. C’est tout ce que je sais faire - tout ce que je peux faire - pour rompre ce silence qui m’accable depuis des années. Ces clics sont la seule voix dont je dispose, mon cri, ma plainte, ma lamentation, ma prise de parole, mon hurlement, mon désaccord.

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