Quand Eugen arriva en Italie, il fut d’abord saisi par la police, puis par la beauté de Venise et finalement par les sonorités de la langue qu’il apprît à Milan, dans une bibliothèque, en lisant le Corriere della Sera. Il était arrivé à Milan car le consul roumain avait bien voulu dire au commissariat qu’en effet il avait de la famille là-bas – ce qui était peut-être vrai, d’ailleurs. Sauf que sa famille – des cousins, je crois – n’avait pas vraiment tenu à s’occuper de lui. Il avait commencé à travailler au black, comme maçon, pour un type qui avait fini par ne pas le payer. Après quelques mois plein d’espoir, il avait décidé de se venger et avait rempli le réservoir de son camion avec deux kilos de sucre - volé dans un supermarché. Puis il avait repris son chemin dans les toilettes d’un train pour Livourne. Sur les docks, il regardait les bateaux et utilisait son italien trop cultivé pour discuter avec les dockers et essayer de comprendre ce qu’il devait faire pour arriver au Canada.