Sur notre bateau, nous avons emmené des bières, du vin et du Martini. H. n’est jamais malade en bateau – elle est la reine du carré. George reste sur le pont. Nous avons le droit de boire du Martini – avec une olive s’il te plaît H. – sur la frontière entre la France et l’Angleterre. Nous avons le droit, H., George, L. et moi. Même si L. a peur de la mer, surtout la nuit, même s’il est convaincu que nous allons tous mourir, nous avons le droit de boire du Martini en France ou en Angleterre, au Brésil ou au Québec, en Roumanie ou en Algérie. Mais nous ne sommes pas les seuls membres de l’équipage : Eugen, lui, n’a pas le droit de boire du Martini, ni en France ni en Italie, ni en Angleterre ni au Brésil, ni au Québec ni - par-dessus tout - en Ontario. Pourtant pendant des années, nous avons passé nos soirées dans l’appartement de via Sangallo à boire ses bières, du vin ou du Martini, en parlant de philosophie et de littérature – Eugen aimait parler de Dostoïevski. N’est-ce pas absurde ?