D’exister, Eugen en avait eu une grande envie pour la première fois, un soir de l’été 2001, quand il s’était retrouvé à traverser la campagne avec Alina I. pour rentrer à Hinova. Un jour, on se rend compte qu’exister est une question de volonté, qu’il ne suffit pas de se laisser exister, qu’il y a quelque chose à faire, comme si c’était un défi, une compétition. Il faut de la force pour exister et les dix-huit ans d’Eugen la lui donnaient. Cette force s’accroissait pendant qu’il feuilletait les couchers de soleil dans la campagne vide avec Alina I. Ce temps passa vite. Les parents d’Alina I. n’étaient pas contents que leur fille gaspille ses après-midis avec un type comme Eugen – et plus généralement avec n’importe quel type qui fût né en Roumanie ou qui y habitât. Dans le temps qu’ils avaient à disposition, il fallait faire des projets pour le futur et, en même temps, s’assurer d’avoir une mémoire commune, un passé. S’inventer un langage, s’échanger des souvenirs, laisser des traces.