Quand on fait de la voile, on le sait bien : tout ce qui n’est pas encore tombé en panne sur un bateau va tomber en panne lors de la prochaine navigation. Naviguer suppose d’accepter ce principe. J’ai toujours admiré la tranquillité avec laquelle les vrais marins constatent le problème le plus grave et le plus complexe. Pas d’angoisse, pas de désespoir, pas d’énervement. Car, le marin le sait parfaitement, la nervosité ne va pas beaucoup l’aider, au contraire. Le problème est inévitable, la panne fatale. Le marin n’y peut rien. Ou mieux : il peut ne pas s’irriter et cela lui rendra la vie plus facile. Le marin ne s’inquiète pas de la gravité de la casse, ni du danger qu’elle provoque. Il s’occupe de trouver des solutions, sachant que, parfois, il n’y en a pas. Je voudrais naviguer ainsi, sans regretter, toujours concentré sur ce qu’il reste à faire, sur ce qui est devant et jamais sur ce qui est derrière, sur ce que nous pouvons encore écrire et jamais sur ce que nous avons déjà écrit.