Quand Eugen commença à travailler à Pise, il participait à la construction d’un gros bâtiment industriel. Il travaillait à vingt mètres de hauteur sans aucune protection. Il ne cachait pas sa peur. « Tu vois, si tu fais une connerie et que tu tombes, tu t’écrases au sol… je ne pense pas qu’ils s’en préoccuperaient trop : ils ne peuvent même pas m’amener à l’hôpital puisqu’en principe je n’ai pas le droit d’y être, moi, sur ce chantier ». Le patron était prévenu des contrôles. D’habitude, quand il ne connaissait pas le type de la mairie qui venait vérifier que le chantier soit en règle, il demandait à Eugen de ne pas se présenter au travail – et évidemment il ne lui payait pas la journée. C’était les vacances d’Eugen – ses congés sans solde. Mais il arrivait que la personne responsable du contrôle soit un ami du patron de l’entreprise. Dans ce cas les vérifications étaient plus légères et Eugen pouvait aller travailler. Dans ce cas on lui demandait de mettre un faux harnais de sécurité.