Tout est temps ici, tout est durée, tout est flux – et rythme. Ce rythme de mille caractères par jour produit mon histoire et mon passé, sculpte la vie d’Eugen, l’empêche de retrouver son amour, l’éloigne encore et toujours de Toronto – pourtant le Canada serait si proche d’Hinova si on le voulait ! Un ping peut facilement le démontrer, quelques millisecondes, un traceroute peut aussi nous confirmer le chemin emprunté par les données, leur passage sous l’océan, rapide, immédiat. Je vais regarder : je cherche le site d’une mairie roumaine et envoie mon ping. 36ms. En 36 ms, on peut relier Toronto à Hinova. Et ici, depuis six mois, je continue de les éloigner. Eugen continue de tenter son voyage et on continue à le retarder. Il devrait être interdit de faire souffrir autant les gens. On devrait céder à l’évidence de la disparition de l’espace. Mais nous continuons à trouver des barrières, des frontières. Et comme le bateau d’Ulysse, les données s’égarent dans les câbles transatlantiques.