Comment détermine-t-on ses priorités ? À dix ans, la mienne était de construire un voilier, à quinze d’écrire un livre, aujourd’hui j’hésiterais peut-être entre écrire un livre et avoir un bateau et finirais par décider d’aller au cinéma avec H. Et maintenant que j’y pense, aller au cinéma a longtemps été pour moi une priorité assumée. Depuis les jours où l’on se précipitait à l’Arsenale après les cours, à deux – ou trois – sur un vélo pour arriver vite dans la via San Martino, montrer sa carte et acheter un billet, 5.000 lire l’entrée et on pouvait ensuite rester voir autant de films qu’on voulait – d’habitude, ils en projetaient trois ou quatre à la suite, on avait de quoi rester huit heures dans la salle, si l’on ne voulait pas sortir entre une séance et l’autre, dans le froid doux de Pise, pour fumer une cigarette peu convaincue, les yeux encore brûlants, quelques commentaires boiteux aux lèvres. À la sortie, le monde du cinéma était un seul monde où tous les films se mélangeaient.