Ces étagères, il m’arrive encore d’en rêver – dans des rêves borgésiens où l’on peut se perdre dans un bâtiment, dans une pièce, ou dans un livre, une page, un mot, une lettre. La bibliothèque de l’École Normale de Pise a toujours été pour moi un lieu magique. Ne serait-ce que le tunnel sous la Piazza dei Cavalieri qui va du bâtiment de l’École à celui de la bibliothèque – ici, à Montréal, un tunnel n’a rien d’exceptionnel, mais à Pise ! C’était un passage secret, un lieu mystérieux. La bibliothèque se trouve dans la fameuse Tour de la Faim, la tour où – selon Dante – furent enfermés et moururent de faim Ugolino della Gherardesca et ses enfants. Six étages, des mezzanines, une structure à labyrinthe où seuls les initiés peuvent s’orienter. J’ai passé ma première année d’Université à me perdre dans les étagères et à demander de l’aide aux étudiants qui me regardaient d’un air supérieur. Au sixième étage, il y avait la possibilité de sortir par une fenêtre et d’aller fumer sur les toits.