Eugen avait une grande nostalgie de la nuit qu’il avait passée avec Alina I. Cette nuit, il me l’a racontée plusieurs fois, ou alors c’est moi qui l’ai imaginée. Dans tous les cas, le souvenir de celle-ci est vif dans ma mémoire, les sensations qu’elle a produites sont encore chaudes sur ma peau. L’odeur d’Alina I., sa résistance feinte, le rai de lumière qui filtrait dans la chambre, la gêne initiale des langues qui se rencontrent pour la première fois, la difficulté à dégrafer son soutien-gorge – trop grand pour elle –, le trouble raffiné et gauche en même temps, les mains transpirantes et maladroites, la délicatesse, la retenue, les élans, le désir intense et la projection à l’infini – car tout était pour toujours pendant cette nuit, il n’y avait rien de passager, chaque caresse était un projet pour la vie, chaque mouvement de bassin une promesse. Combien de nuits en quelques heures seulement ! Ce souvenir d’Eugen est sans doute un de mes souvenirs les plus chers et les plus clairs.