La nostalgie est née à Ithaque – voilà pourquoi elle a toujours quelque chose d’épique. Mais Ulysse n’était rien avant cette nostalgie – ces actions n’existent que par elle. La nostalgie est une référence à un vide, le signe d’une absence qui n’est jamais absence de quelque chose. Tout commence avec le récit, quand, assis à la table d’Alcinoos, le roi peut finalement parler. Ses actions, sa vie et son élan se produisent dans l’instant même où commence le discours, où les mots s’enchaînent formant des hexamètres. La seule action est l’écriture – le geste est là, il est ici, dans les interstices de ce clavier qui me répond si rapidement et si précisément, sans la moindre hésitation. Ithaque n’est qu’un prétexte et sur cette île – j’y suis allé il y a quelques semaines pour vérifier –, il ne reste rien qui puisse faire penser à une présence, à une réalité quelconque. A cet instant, j’arrive à lever ma tête pour regarder le panorama face à moi et pense qu’au fond je n’ai jamais rien perdu.