Une autre stratégie identitaire consiste à se fier aux choses qui nous entourent – et qui donc, du moins on le suppose, devraient nous définir. Nos maisons en sont pleines. Elles régurgitent de documents, de preuves de notre identité. Mais, à chaque fois que nous allons y chercher des traces accréditant notre hypothèse d’identité, nous sommes déçus. Ce que nous trouvons ne correspond jamais à notre histoire. Le souvenir ne correspond pas à sa preuve. C’est pourquoi il ne faut jamais déménager : le déménagement nous met face à l’impossibilité de raconter le passé comme nous le souhaitons. En déménageant de Paris à Montréal, H. et moi nous avons vu nos vies partir dans une grosse – et pas tant que cela – boite en bois posée sur un camion. Quand la boite a disparu derrière le coin de la rue, j’ai imaginé un naufrage : quel événement héroïque pour me libérer de tout ce que je ne veux pas être, pour me retrouver sans passé et recommencer à raconter ce que je suis comme si c’était le début !