Eugen avait le talent d’un véritable écrivain. C’est un malheur qu’il n’ait jamais rien écrit. Il savait raconter sa vie de façon passionnante et finissait toujours ses récits en disant : « Un jour je dois écrire le livre de ma vie, ce serait sans doute un bestseller ». Dans les histoires qu’il racontait, il y avait du suspense, du drame, des surprises et surtout une créativité linguistique impressionnante. Eugen inventait sa langue en mélangeant l’italien au roumain et à l’anglais. Nous passions des soirées à l’écouter. Il ne nous a jamais raconté l’histoire du début à la fin. Il nous faisait cadeau d’un événement particulier, décontextualisé, comme s’il l’avait pioché au hasard parmi les épisodes de son odyssée. Ces fragments, personne ne les a jamais réordonnés. Il y a des trous – des choses incompréhensibles, beaucoup d’incohérences. Eugen a raconté certains passages de l’histoire uniquement à Peppe et c’est Peppe qui me les a reportés. Certains autres, je les ai sans doute rêvés.
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