Accueil Les règles du jeu Table des matières Incipit Qui ?

Der Tod in Venedig

Il n’y a plus rien à espérer. C’est l’automne. Les feuilles tombent et l’histoire est terminée. Seul un goût pervers - et exquis - de décadence peut nous sauver. C’est le goût saumâtre de la lagune de Venise, à la fin du mois d’août, au tout début du mois de septembre. L’été touche à sa fin, il meurt comme la mer meurt dans les hauts-fonds qui séparent les îles. L’eau ne bouge plus, on est à la fin de la vie. Voilà la promesse : le vide. Les couleurs pastel des plages du Lido, le bruit timide des bateaux - qui n’osent pas flotter, ils glissent, comme sur une patinoire - les mouvements lents et indolents des vieux qui prennent le dernier soleil paresseux. L’odeur de mort, laissé par le sel et par le cadavre de la gloire d’une ville qui n’a que son passé. Dans cette odeur, et vers ce vide, marchait Gustav Aschenbach. Venise a quelque chose d’aristocratique car il n’y a pas, là-bas, de place pour le travail, ni pour la culpabilité. Il n’y a que la tranquillité insouciante de la décadence.

texte précédent : Petits-bourgeois texte suivant : Dynamite