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Horror vacui

La télévision et la radio de l’appartement de Peppe étaient souvent allumés et crachaient leurs sons en dehors. La fenêtre de l’appartement, au rez-de-chaussée du vicolo Lanfranchi, restait ouverte – c’était souvent la seule, et très mince, source de lumière. On entendait le boucan depuis la rue San Martino où je passais tous les jours en vélo pour aller à l’Université. Le bruit n’indiquait pas la présence de Peppe qui aimait allumer ces instruments électroniques justement quand il sortait, comme s’ils pouvaient prendre le relais, parler à sa place en son absence, animer la situation. Car le vide, le silence sont insupportables et nous avons besoin de remplir notre absence avec des objets, des sons, quelque chose qui nous garantisse que, quand nous ne serons pas en train de regarder, le monde ne disparaîtra pas, il restera là où nous l’avons laissé. Les voisins de Peppe pouvaient en témoigner : son appartement restait bien là, vivant et animé, pendant que lui n’était pas à l’intérieur.

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