Google a porté plainte contre l’Office de la langue suédoise car il ne voulait pas que le mot « ingooglable » soit ajouté au dictionnaire. Le mot ne peut pas exister car il n’y a rien qui ne puisse être googlé. Toute question a une réponse, Google cartographie de façon exhaustive l’ensemble de l’espace sans oublier le moindre interstice. Nous en sommes rassurés. Heureux de ne plus risquer l’égarement, contents d’avoir toujours le bon repère. S’il y avait quelque chose qui échappait à l’indexation, comment nous comporterions-nous face à ce trou noir ? Pourtant, quand je cherche à savoir ce que pense Eugen aujourd’hui, s’il est encore amoureux d’Alina I., s’il envisage toujours de reprendre son voyage, et même lorsque je cherche où il est désormais, Google ne veut pas me répondre. Mais c’est parce qu’il y a des choses qui – comme le mot ingooglable – n’ont pas le droit d’exister. Il faut simplement oublier le cauchemar qui les a produites et nous les a fait apparaître comme des fantômes.