Eugen ne se souciait pas de la structure de l’espace. Il l’inventait sans aucune gêne. Il avait rencontré Alina I. en roumain, il l’aimait en anglais, la langue de la liberté, la langue du Canada. Pour atteindre son rêve, il avait dû traverser l’Italie et passer par une autre langue qu’il parcourait sans trop poser de questions. Eugen était l’architecte de son monde, où les distances de Google Maps et les barrières des langues ne voulaient rien dire. Il n’était peut-être pas exagérément optimiste à penser qu’il aurait pu faire des milliers de kilomètres et passer d’un pays à l’autre sans rencontrer aucun obstacle. Il était tout simplement créatif, prêt à produire l’espace où il voulait vivre, prêt à le raconter avec ses mots. L’homme sain – disait quelqu’un – n’est pas normal, il est normatif. Et qui sait marcher ignore la ligne droite, ajoutait George. Mais il faut beaucoup de courage pour partir sans carte avec l’intention d’inventer un espace que Google ne saurait pas cartographier.